Yuma | Brand Thinking, cabinet de conseil en stratégie de marque, intervenait à TimeWorld 2019 dans le cadre d’une table ronde sur « les marques défient-elles le temps ? ».
Lors d’une table ronde dans le cadre du TimeWorld 2019 à Cité des Sciences et de l’Industrie, on a bien vu que le rapport au temps est un enjeu fondamental de la marque : être dans l’actualité tout en étant intemporel. C’est d’ailleurs sans doute le nœud de la tension qu’il peut y avoir quelquefois entre marketing et brand management : le marketing est souvent dans l’instantanéité, l’immédiateté (surtout aujourd’hui), alors que la marque est davantage dans la durée, dans le temps long.
Georges Lewi, connu pour ses nombreux travaux sur les marques (son dernier ouvrage, Devenir une marque mythique, est paru en juin 2019 aux éditions Vuibert) comparait en introduction les courbes de vie des produits et celles des marques. En illustrant son propos par l’exemple des voitures, il décrivait les courbes de vie de produits en forme de bosse de dromadaire, ou, au mieux, de bosse de chameau (lancement, stabilisation, début d’essoufflement puis restyling plus ou moins important au bout de quelques années, permettant de prolonger la durée de vie). Mais Golf, Coccinelle, Twingo ou Clio ont acquis le statut de marques, car au-delà du produit et d’une incarnation produit à un instant T, elles s’inscrivent dans la durée et développent un imaginaire qui leur est propre, au fur et à mesure des renouvellements successifs.
C’est bien le temps qui façonne la marque. Même si cela se fait parfois par à-coups, ou par étapes successives, avec des périodes de rupture, de crise, ou des faits marquants qui les font parfois changer de statut.
Photo © Laurence Honnorat
Laurent Turpault, directeur Communication RSE et Affaires Publiques de Coca-Cola France, évoquait par exemple comment la revendication des valeurs d’inclusion et la prise de position contre la discrimination raciale aux Etats-Unis dans les années 60 ont fait basculer la marque dans une autre dimension.
Laurent Bailbe, de la Direction marketing d’EDF Entreprise, montrait comment le changement de statut d’EDF en 2004 a totalement transformé l’entreprise et sa perception auprès du grand public.
Anne Griffon, directrice marketing de Chateauform’, montrait comment l’ancrage de la marque dans les valeurs de la relation la rendait potentiellement intemporelle.
Jacques Royer, président du groupe éponyme, propriétaire de marques iconiques comme New Balance, Converse ou Kickers, montrait comment des marques fortes pouvaient être ranimées et se développer encore, même si elles avaient connu des périodes de forte baisse, voire d’absence.
David Abdou, président de Mamie Normandie, qui a relancé la petite brioche de son enfance, La Fallue, et déposé la marque La Fallue 1897, est l’illustration de ces renaissances.
La marque est un phenix qui ne fait que renaître en permanence, se réinventer, avec plus ou moins de bonheur, avec plus ou moins de succès. Mais une fois qu’on a acquis le statut de marque, on devient potentiellement immortel. Cette immortalité théorique ne rend cependant pas les marques intouchables, ni même irremplaçables. Les Tesla, Veja, Netflix, chacune dans leur domaine, sont la preuve que de nouveaux entrants peuvent du jour au lendemain bousculer des situations établies. Réfléchir sur les marques et le temps, c’est se poser la question de la capacité des marques à se transformer.
Laurent Vincenti, brand designer réputé (qui a notamment accompagné Total, La Poste, BNP Paribas, Air France, Peugeot, etc.), concluait sur l’idée que les marques de demain devront par essence être des marques sensibles. Sensibles, d’une part, parce qu’elles doivent être utiles, sincères et bienveillantes, en lien étroit avec leur environnement ; et sensibles, d’autre part, parce qu’elles doivent mettre en place des écosystèmes interactifs et sensitifs avec leurs publics, en étant totalement multi-sensorielles dans leur territoire d’expression.