Depuis la pose de sa première brique, le château Lego n’a cessé de grandir : jouets, jeux vidéos, série Tv et même film. Après quelques errements, la marque a mis en place une stratégie implacable en alliant idée (la brique), innovation et interaction avec ses cibles.
L’histoire de Lego ne commence pas sur une bonne note. En 1916, Ole Kirk Christiansen, un menuisier danois, voit son atelier bruler complètement après que ses deux jeunes fils ont allumé un feu dans le jardin. Décidant de prendre cela comme un signe du destin, il reconstruit un atelier plus grand au même endroit que le précédent. Et dans les environs, Christiansen est rapidement reconnu pour son travail mais également pour les modèles miniatures en bois qu’il fabrique pour l’aider dans la conception de ses meubles. Ce sont ces miniatures qui lui donnèrent l’idée de se lancer dans la fabrication de jouets. Pendant plusieurs années, il développa seul, puis avec son fils Godtfred, son entreprise de jouets en bois, produisant des cochons-tirelire, des voitures, des yo-yo et des camions.
Ole Kirk Christiansen, son fils et son petit-fils
Dans les années 30, il nomme sa marque Lego : une contraction de leg godt qui signifie « joue bien » en Danois. En latin, lego peut également signifier « j’assemble », mais il semble que Christiansen l’ignorait lorsqu’il choisit ce nom.
Ses jouets connaissant de plus en plus de succès, Christiansen abandonne le bois et se met à utiliser du plastique pour créer ses premiers jouets modulaires. Malheureusement, les premiers prototypes comportent trop de pièces différentes et se montrent trop couteux. Le danois décide donc de commercialiser des briques creuses standardisées. Alors que leurs premiers produits sont précaires, les Christiansen inventent finalement en 1949 un système de briques autobloquantes. Mais le plastique n’est pas apprécié par les vendeurs de jouets, ne se vend pas bien et pendant plusieurs années l’entreprise familiale rapporte peu d’argent.
En 1958, Godtfred développe de nouvelles améliorations pour ses briques qui lui permettent de créer un système complet, où toutes les briques peuvent s’emboiter. Le succès est au rendez-vous et les ventes commencent à augmenter. Malheureusement, Ole Kirk Christiansen ne verra jamais son entreprise prospérer puisqu’il meurt la même année.
L’évolution de la brique lego : les modèles de 1949 et 1958
Lego connaît un réel succès et en 1960, l’entreprise emploie 450 personnes dont une vingtaine travaille au sein de la division Futura, chargée de développer de nouveaux modèles de jouets. Ce sont eux qui proposeront, en 1963, un système permettant d’ajouter des roues aux briques. Le potentiel de la marque s’élargit et en 1966, le premier ensemble ferroviaire Lego comprenant un moteur de 4,5 volts devient le plus grand succès de la marque danoise.
Dans la foulée, Lego ouvre un parc d’attraction Legoland à Billund. Réparti sur dix hectares, il propose des reproductions des plus grandes villes du monde et de monuments célèbres entièrement reconstruits en briques.
En 1968, Lego vend plus de huit millions de modules à travers le monde. Et l’année suivante, la firme s’intéresse aux très jeunes enfants et propose des briques deux fois plus grosses, mieux adaptées aux petites mains : les Duplo.
Les années 70 vont être particulièrement importantes pour la marque de jouets danoise qui va tour à tour cibler les filles avec l’introduction de meubles et d’une gamme « maison de poupées », puis les enfants plus âgés avec l’arrivée des Lego Technic comprenant des pièces plus petites telles que des engrenages ou des leviers.
Lego Technic Publicité de 2013
Durant les années 80, Lego a énormément fait évoluer ses jouets et en particulier ses figurines qui deviennent plus petites et articulées. Le modèle actuel, appelé « Minifig » fait son apparition en 1978 et ne cessera d’évoluer avec l’apparition de personnages féminins, puis de nouvelles expressions faciales et de personnages spéciaux comme le fantôme ou le chien.
L’évolution des figurines Lego
Les gammes Lego ne cessent de s’étendre et la marque innove fréquemment, proposant tour à tour des accessoires électriques, des composants pneumatiques, un régulateur de vitesse pour le train ou encore un bateau capable de flotter sur l’eau. Le début des années 90 marque l’arrivée des jouets sous licences avec notamment la fameuse gamme Lego Star Wars qui représente à elle seule aujourd’hui plus de 300 références proposées. C’est sur ce créneau que Lego se différenciera, signant des accords d’exclusivité avec quelques-unes des plus grandes licences du cinéma telles que Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, les personnages de comics issus de l’univers Marvel et DC ou plus récemment les Simpsons.
Au-delà de ses produits historiques, la marque commercialise régulièrement de nouvelles gammes de jouets à l’image de Lego Ninjago (intégrant des toupies), Lego Mindstorms (une gamme « robotique programmable » via Linux) ou encore Lego Bionicle (gamme de personnages fantastiques).
Adepte du stretching de marque, Lego se décline également depuis 1997 en jeux vidéo. Ceux-ci mettent en vedette les héros des licences mais peuvent également, en certaines occasions, proposer des concepts plus inédits à l’image du jeu musical Lego Rock Band qui permettait au joueur d’incarner un avatar Lego et de jouer de la musique avec une guitare reliée à sa console de jeu.
Bien entendu, l’identité de Lego en fait une marque propice à la communication et les publicitaires comme les fans rivalisent d’imagination pour mettre les petits personnages Lego dans toutes les situations et répondre à l’actualité.
Campagne Making History (Allemagne – 2009)
Publicité Imagine (Allemagne – 2012)
Publicité Control (Chili – 2007)
Réponse de Lego à l’arrivée de la sonde Rover sur la planète Mars
Un des éléments fréquemment mis en avant dans la communication de Lego reste la créativité, et en particulier celle des enfants, comme dans cette campagne intitulée « Builders of Tomorrow » (les constructeurs de demain).
Campagne Builders of Tomorrow (Allemagne – 2011)
Parallèlement à ses campagnes TV et print, la marque a par exemple créé des séries TV pour promouvoir sa gamme Ninjago et sa gamme destinée aux filles lancée en 2012, Lego Friends. Celles-ci sont diffusées sur les chaines de télé pour enfants, à savoir Gulli pour Lego Friends et France4 pour Ninjago. Ces séries sont également disponibles sur une chaine Youtube dédiée.
De son côté, le film « Lego – La grande Aventure » a été l’un des plus gros succès de 2014 et une suite est déjà prévue et avec son lot de produits dérivés jouets, jeux vidéos …
La marque danoise est également omniprésente sur les réseaux sociaux, avec plusieurs comptes dédiés et une production de contenu importante qui vient s’ajouter à celle de ses fans, qui aiment détourner les petits personnages Lego.
Après un passage difficile au début des années 2000, qui a coûté son poste au dernier héritier de la famille Christiansen, Lego a su remonter la pente avec succès. Cette crise a en effet permis à la marque de se recentrer sur son savoir-faire (la fameuse brique à fixation, hyper résistante et facile à assembler) et à continuer d’innover de manière constante et méthodique en revenant toujours à l’idée de base. Fini donc les dérives vers les lignes de vêtements, les jeux vidéo ou les parcs d’attraction, trop loin de son territoire de légitimité et focus sur l’innovation et l’élargissement des gammes en déclinant les briques à l’envi.
Le cas du lancement de la gamme pour filles Lego Friends est assez représentatif de la démarche, à la fois professionnelle et méthodique, d’innovation. De nombreux tests, quasi anthropologiques, menés dès 2007, ont notamment montré que les filles, même si elles préfèrent les jeux de rôle, peuvent être réceptives aux jeux de construction, mais de façon différente des garçons. Si les garçons veulent fabriquer rapidement un modèle qui ressemble exactement à l’image figurant sur la boîte, les filles prennent davantage leur temps, privilégient l’histoire et abordent le sujet de façon moins systématique. C’est la raison pour laquelle les pièces, dans les boîtes Lego Friends qui leur sont destinées, sont emballées de telle manière que les petites filles peuvent commencer à jouer selon divers scénarios, sans qu’il soit nécessaire de construire entièrement le modèle. Il a aussi fallu changer les mini-figurines (moins caricaturales, plus féminines, aux couleurs pastel, avec des accessoires de personnalisation de type foulard pour les cheveux), qui ont par ailleurs été agrandies de 5 millimètres.
Au premier septembre 2014, pour la première fois, la marque danoise est passée devant Mattel, devenant numéro un mondial des fabricants de jouets avec un chiffre d’affaires qui a bondi de 11% par rapport à l’année précédente, preuve que l’alliance d’une belle idée originelle, d’une innovation méthodique et maitrisée et d’une interaction constante et multi-canal avec ses cibles peut être efficace.