Les marques de restaurants nées dans les années 60 (Courtepaille, Hippopotamus), 70 (Flunch) ou 80 (Buffallo grill, Léon de Bruxelles) essaient de retrouver un second souffle, parfois avec l’ouverture de concepts dérivés.
Le secteur de la restauration connaît une profonde mutation depuis quelques années. L’émergence de nouveaux concepts, l’accent mis sur l’expérience client, l’exigence pour une cuisine plus qualitative, ont rendu moins attractives la plupart des chaînes qui ont vu le jour il y a plus de 30 ou 40 ans. C’est un secteur à la rentabilité faible, dans lequel il faut désormais réinvestir en permanence car les concepts s’usent de plus en plus vite.
Une des dernières transformations en date concerne l’enseigne Flunch. Bousculées par le boom des fast-foods et des sandwicheries, les célèbres cafétérias du groupe Mulliez, lancées en 1971 et devenues leader du secteur, commençaient à souffrir sérieusement depuis 7 ou 8 ans.
La chaîne évolue d’abord en mettant l’accent sur l’offre prix (avec des formules à 9,95 € et des formules enfant à 3,95 €), en développant le drive-in, en renouvelant sa communication, etc. Mais elle cherche aussi à se dynamiser avec le développement du concept de Flunch café.
Les Flunch café, lancés en 2015/2016, sont une offre de restauration rapide, avec plats chauds ou froids, snacking, glaces, crêpes, gaufres, à emporter ou à consommer sur place. Le lieu est plus chaleureux et plus design : parquet en chevrons, lignes noires façon atelier, touches de jaune et de gris, identité souriante, éclats de couleur, tables « comme à la maison ». Le concept permet à la marque de prolonger sa mission de « démocratisation du bien manger ».
Dans le même genre de « spin-off » (concepts dérivés), on trouve Léon de B, développé par Léon de Bruxelles, testé à Lyon depuis 2015 et à Paris-McDonald (tout un symbole ?) depuis 2016.
Pour pallier le manque d’attractivité de ses restaurants actuels quelque peu vieillissants, l’enseigne mise donc sur un nouveau concept de centre-ville, au format plus petit (environ 90 places assises) avec un ticket moyen autour de 19 euros et une carte resserrée, toujours centrée sur les moules (dont l’enseigne revendique la qualité), les frites fraiches maison, une formule fish & frites (qui redevient tendance) à base de poisson frais, l’ensemble étant agrémenté de certains produis locaux (bières, par exemple).
Un autre spin-off est celui de Buffalo Grill, chaîne lancée en 1980 et spécialisée dans les viandes grillées dans une ambiance américaine, qui compte environ 330 restaurants. La nouvelle enseigne, Buffalo Burger, est testée depuis 2015. Elle se veut un mix entre restaurant et fastfood, avec une déco dans le style Chicago, et une carte de burgers qualitatifs, d’environ 12 à 15 euros, avec un choix de frites maison ou de patates douces.
L’objectif est de redonner un second souffle à Buffalo Grill et d’accompagner la tendance au développement des chaînes de burger qualitatifs (Big Ferdinand, King Marcel, Mamie Burger, Blend,…) et l’arrivée en France de Five Guys ou Steak n’ Shake.
Hippopotamus (Hippo pour les intimes), créée en 1968, souffre elle aussi, depuis assez longtemps, et commence à peine sa mue. Après avoir frôlé le redressement judiciaire, le groupe Flo (Hippopotamus, Brasseries Flo, Bistro Romain, Maître Kanter, Tablapizza) vient de changer de propriétaire en passant dans le giron du Groupe Bertrand, qui détient déjà les sandwicheries Bert’s, le Lipp, L’Alsace sur les Champs-Élysées, Angelina…, et, depuis 2013, Burger King France. A noter que dans le deal, les 32 pizzérias Tablapizza ont en revanche rejoint groupe Le Duff (Brioche Dorée, Del Arte…).
L’enseigne Hippopotamus compte environ 190 restaurants, qui ont manqué de rénovation au fil des années. Le lancement d’un nouveau concept Hippo avait été annoncé en 2016, mais très peu de restaurants s’y sont convertis.
Ce « coup de jeune » passait par une rénovation assez couteuse des restaurants. Du côté de la carte, les viandes rouges restaient bien sûr à l’honneur, mais on y trouvait désormais aussi des woks de poisson ou de viande, une cocotte à partager, un brunch servi le week-end ou encore une offre de petit-déjeuner. Le ticket moyen devait rester de l’ordre de 23 euros.
Il est encore trop tôt pour savoir comment le nouveau propriétaire (groupe Bertrand) va orienter la mue.
De la même façon, Courtepaille tente aussi faire évoluer son concept. Spécialisée dans les grillades de viande, l’enseigne a été créée en août 1961 avec l’ouverture d’un restaurant au bord de la RN 6. L’idée était alors de proposer aux clients un repas simple mais bon, plaisant aussi bien aux parents qu’aux enfants et servi rapidement : des grillades de bonne qualité ne nécessitant pas de cuisinier et réalisées sous les yeux du client. En outre, le client devait immédiatement identifier Courtepaille, d’où une architecture particulière avec un bâtiment rond et un toit en chaume. Au début en tout cas, du temps des fondateurs, Jean et Arlette Loisier, les plats étaient préparés à partir de produits du terroir local, livrés chaque matin par les artisans du village, les frites faites sur place, de même que les tartes aux pommes.
En 2015, on comptait 266 restaurants de ce même type en France, tous décorés de la même façon : matériaux naturels, chaleur dégagée par la cheminée centrale, clients accueillis par le « maître de maison ».
avant
2011
Après une succession de différents propriétaires depuis la vente en 1975 par le couple Loisier (il y avait alors 17 restaurants), Courtepaille a été repris à l’été 2015 par le fonds britannique Intermediate Capital Group (ICG), dans le cadre d’un LBO en général prélude à un traitement de choc. Des rumeurs de revente commencent même déjà à circuler. Courtepaille risque donc d’être le dernier à opérer sa transformation, même si certains tests ont déjà été lancés, comme un concept dit Essentiel destiné aux galeries marchandes ou zones de flux, tel celui ouvert en septembre 2016 dans la région de Reims, sur 250 m2.
Nouveau concept ouvert dans la galerie marchande
du Leclerc de Saint-Brice-Courcelles
L’enseigne s’est même essayée aux food trucks, avec un concept peu convaincant a priori. Le nom choisi, « mon camion courtepaille », supposerait que la marque Courtepaille soit en elle-même suffisamment attractive pour porter un concept sur son nom seul, et, surtout, que l’on y retrouve l’esprit Courtepaille (grill, cheminée, convivialité) en concentré. En fait, il s’agit plutôt d’un « burger truck by Courtepaille », ce qui n’est pas la même chose. Même si ce n’est pas fondamentalement incohérent en soi, Courtepaille n’a par ailleurs aujourd’hui aucune légitimité particulière sur le métier du burger.
Tous ces exemples, plus ou moins aboutis, montrent en tout cas que c’est le coup de feu en cuisine dans les équipes dirigeantes des vieilles chaînes de restauration. Reste à nous prouver que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs plats…