Le nom Eurodif va disparaître au profit de Bouchara qui devient une marque-enseigne homestyle, implantée dans les 80 points de vente de centre-ville du groupe Omnium.
L’enseigne de textile, linge de maison et déco, Eurodif, qui disposait d’un parc vieillissant de 80 magasins de 1 000 à 2 000 m2 en centre-ville, va définitivement disparaître. Elle avait été fondée en 1980 par la famille Lascar, à Brest, sur la base d’une dizaine de magasins déjà possédés en propre depuis 1971 sous l’enseigne Léon soldeur.
En 2016, Eurodif emploie près de 1 340 salariés pour un chiffre d’affaires de 183 millions d’euros. La dernière tentative de modernisation datait de 2012 (nouveau logo, repositionnement de l’offre,…) mais elle n’a visiblement pas porté ses fruits, hésitant toujours entre une offre petit prix et une offre plus qualitative et tendance, d’une part, et entre une offre textile et une offre maison, d’autre part. Dans un autre genre, Tati est la preuve qu’il est difficile de vouloir couvrir des marchés différents. En tout cas, Eurodif n’avait clairement pas le potentiel d’une marque forte, ni dans l’habillement (face à des H&M et consorts), ni dans la décoration (face à des Hema et consorts), alors que dans le portefeuille du groupe Omnium depuis 1992, une autre marque semblait attendre d’être réveillée : Bouchara.
Evolution du logo Eurodif en 30 ans
Le Groupe Omnium (holding d’Eurodif) est aussi propriétaire des enseignes Burton of London (rachetée en 1991) et Devred (rachetée en 1996). Son histoire est une succession d’opérations de développement et restructurations de réseaux de boutiques autour de quelques enseignes.
Bouchara deviendra donc une marque homestyle globale, « pensée pour se sentir bien chez soi grâce à de nouvelles gammes de décoration, de senteurs et d’accessoires pour la maison autant que de nouvelles lignes de lingerie de jour et de nuit qui s’accordent aux collections ». Cette nouvelle orientation constitue une vraie renaissance pour Bouchara, qui avait pâti en 2006 de la restructuration décidée par le groupe Omnium (empêtré notamment dans le dépôt de bilan de Maxi-Livres) et cédé plusieurs de ses boutiques en nom propre. En 2009, la marque choisissait même la commercialisation via des licences de marque et avait parallèlement initié l’e-commerce.
Bouchara a une vraie histoire même si elle a été quelque peu mal traitée au fil du temps. Elle s’était développée en 1899, à Marseille, comme un spécialiste du tissu au mètre, dédié à l’habillement. La marque avait développé son propre réseau dans différentes villes, avec de nouvelles méthodes de distribution, dans les années 1920 ; le fer de lance sera l’ouverture juste avant la seconde guerre mondiale du magasin du boulevard Hausmann. Bouchara a été dans les années 40 et 50 le premier acteur du tissu en France, symbole du « Bonheur des Dames ».
C’est après la seconde guerre mondiale que Bouchara se lance aussi dans le tissu d’ameublement et deviendra peu à peu le temple de la maison. Le magasin d’Hausmann sera même, après sa rénovation en 1995 et jusqu’à sa fermeture en 2008, la plus grande surface de tissu d’ameublement en Europe sur 4 000 m2.
Après le repli radical à la fin des années 2000, la marque s’était ensuite transformée en expert du linge de maison, à l’instar d’un Descamps, d’un Carré Blanc ou d’un Linvosges, d’abord vendu sous licence et en partenariat (vente par internet, au sein du réseau Eurodif, et même sur une chaîne de téléshopping en Corée du sud…), ensuite (depuis 2012) avec à nouveau quelques boutiques de petit format en propre.
Depuis 2013, la marque étend son territoire sur de nouveaux secteurs de la maison comme l’art de la table, la petite décoration. En s’implantant dans les sites du réseau Eurodif, sur des surfaces de 1000 à 2000 m2, Bouchara cherche donc maintenant à devenir une enseigne homestyle globale, à l’instar d’un Zara home ou d’un Muji.
Bouchera développe aussi des parfums et bougies pour la maison. – Bouchara
La conversion des adresses a débuté à l’automne 2016 avec un premier magasin pilote à Dijon. Strasbourg et Bordeaux ont suivi ce printemps, avant que la totalité du parc ne subisse une transformation progressive. La société Eurodif existera toujours pour piloter le réseau, en collaboration avec Bouchara qui deviendra la seule enseigne commerciale.
Le challenge ne semble pas gagné d’avance. Conforama, avec Confo Déco, avait tenté le concept de centre-ville sans succès (de 2010 à 2015). Le même Conforama tente aujourd’hui une nouvelle expérience sur d’autres créneaux, avec une enseigne Confo ! sur 1 500 m2 (sur des zones de chalandise plus petites, en périphérie), une enseigne Maison Dépôt (en low cost de périphérie) et, sur le centre-ville, une enseigne plus moyenne gamme spécialisée en literie, sur 350 m2 environ (« il était une nuit »). A l’autre bout du spectre, l’enseigne de linge de maison Carré Blanc s’est essayé à des surfaces plus grandes (300 m2), en retail park, mais sans pour autant élargir son offre à la décoration. Les réseaux « homestyle » comme Zara home et Muji ne sont quant à eux rentables que sur les très grandes villes. Et les réseaux « maison / décoration / cadeaux » comme Gifi sont essentiellement performants sur le bas prix en périphérie (même si Gifi s’est essayé, assez maladroitement, au concept de centre-ville dans le 14ème arrondissement de Paris). Seul Maxi Bazar (réseau d’une cinquantaine de magasins) semble avoir quelques implantations de centre-ville assez réussies, notamment avec son superbe magasin de 2 500 m2 au cœur de Lyon.
Bouchara devra donc imposer un vrai positionnement novateur, avec un style fort et indentifiable. Car même si l’enseigne continue de bénéficier d’une notoriété assez enviable, son image reste associée à un style et une clientèle qui ne correspondent plus vraiment aux codes des années 2010 / 2020. Son style « classique bourgeois », assez vieille France, ascendant british, aura probablement du mal à remplir des magasins de 1 500 m2 au cœur de villes moyennes… Mais la résurrection de La Redoute Maison, ou, dans un autre genre, le renouveau de Maisons du Monde, sont peut-être des exemples à suivre, ou en tout cas des raisons d’y croire.