Fondée par l’Allemand Adam Opel en 1862 (mais qui ne commença à fabriquer des voitures qu’en 1899), passée sous le giron de General Motors en 1929, Opel est devenue propriété de PSA le 1er août 2017.
Opel, le constructeur de Rüsselsheim, et la marque sœur britannique Vauxhall complètent depuis un an le portefeuille de marques du groupe PSA (au côté de Peugeot, Citroën et DS), lequel peut ainsi mécaniquement de revendiquer le titre de premier groupe automobile en France, avec une part de marché totale de 31% (voitures et utilitaires), et en Espagne (22%). Sur la globalité de l’Europe, PSA occupe, depuis, le deuxième rang derrière Volkswagen, avec 17% de part de marché.
Au-delà des synergies initialement valorisées à 1,1 milliard d’euros par an à l’horizon 2019, la problématique est de (re)donner à Opel l’âme qui lui a toujours fait un peu défaut. Marque d’origine allemande, américanisée pendant 88 ans au sein de General Motors et en même temps fondue dans la marque britannique Vauhhall, il n’a pas été facile pour Opel de cultiver une personnalité. Opel a même, un temps, eu une offre produit partiellement dérivée de celle de Chevrolet, tandis qu’à d’autres moments ses usines ont été envisagées pour y fabriquer des voitures Buick.
GM, dès 2006, avait entamé des discussions avec l’alliance Renault-Nissan pour céder la marque ; mais également avec Fiat (dont GM avait pris 20% du capital au début des années 2000) puis avec PSA (déjà).
Conséquence de ces errances stratégiques, le constructeur allemand (avec Vauxhall) n’est au moment de son entrée dans le groupe PSA que le huitième acteur dans l’Union européenne avec une part de marché de 6,3% (au premier semestre 2017, hors utilitaires). Il y a vingt ans, c’était encore la deuxième marque avec 12,5 %. L’image médiocre de la marque oblige par ailleurs le constructeur à réaliser plus de 40% de ses immatriculations avec des véhicules de démonstration – vendus comme occasions « zéro kilomètre » à prix cassés – ou des transactions avec des loueurs de courte durée, à marges très faibles, voire nulles.
Quand on voit la difficulté que PSA a eu à digérer Citroën (avril 1976) et à tenter de lui donner une personnalité propre et complémentaire (alors que Citroën avait pourtant une histoire plus forte), on peut se demander comment se passera cette nouvelle intégration. Un retour aux sources permettra-t-il de retrouver l’âme de la marque. En a-t-elle d’ailleurs déjà eu une ? Ce n’est en tout cas pas la signature inepte « L’avenir appartient à tous », digne d’un prédicateur évangéliste américain, qui peut sur ce point nous donner le moindre cap stratégique !
Des années 60 aux années 80 qui ont vu peut-être les (relativement) grandes années Opel, la marque était surtout associée à des véhicules populaires à vocation sportive : Opel GT, Opel Kadett coupé, Opel Monza, Opel Manta, Opel Commodore, etc.
Opel a-t-elle alors vocation à devenir à PSA ce que Seat est à Volkswagen (à savoir une marque à l’esprit « viril » ?). Impossible en tout cas, en l’état, de lui imaginer un destin à la Audi !
Statue d’Adam Opel devant l’ancien siège de Russelheim
A l’origine, Adam Opel, fondateur de la marque, fils d’un ferronnier allemand de Rüsselsheim, eut l’idée en visitant Paris durant l’été 1858 de fabriquer des machines à coudre, toute nouvelle invention à l’époque. En 1863, Adam Opel transforma une grange abandonnée de son oncle en usine, puis construisit une usine quelques années plus tard, tout en démarrant en parallèle un réseau de distribution et les premières exportations vers l’ouest (principalement la France) puis vers la Russie, les Etats-Unis, et l’Inde.
En 1886, la diversification intervient avec la fabrication de bicyclettes. Un modèle anglais de vélocipède est d’abord produit, suivi un an plus tard du premier modèle de sécurité avec un cadre surbaissé.
Adam Opel meurt en 1895, à 58 ans, des suites de la fièvre typhoïde. Sa femme Sophie poursuivit son entreprise, aidée des frères aînés. Opel emploie alors 1 500 personnes, mais le secteur doit faire face à la crise ; la concurrence est rude, les prix chutent, et les ventes aussi. Il faut diversifier la production.
C’est en 1899 que l’entreprise se tourne vers le nouveau créneau de l’automobile. Opel achète licence de production et usine à Friedrich Lutzman, maître serrurier de la cour, et démarre la production d’automobiles avec la Opel Patent Motor Car, System Lutzmann.
En 1901, Opel commence à produire aussi des motocyclettes. Parallèlement, des améliorations sont apportées à la production d’automobiles : un contrat avec le pionnier de l’automobile française, Alexandre Darracq, scelle la première aventure internationale de la société.
Opel GP 4L. 110HP, utilisée au Grand Prix de France 1913.
En 1914, avec une production annuelle de 3 335 véhicules, Opel devient le numéro un de l’automobile allemande. Jamais la gamme n’a été aussi complète ; elle comprend dix-neuf berlines et quatre voitures de sport. Mais, le 4 août 1914, la guerre éclate, et Opel licencie les milliers d’ouvriers employés au montage des voitures et des bicyclettes. En 1916, pendant la guerre, Opel passe du statut de plus grand constructeur de voitures de grande série à celui de plus grand constructeur allemand de véhicules utilitaires, même si le développement des voitures particulières se poursuit.
En 1924, Opel investit dans la modernisation de sa production automobile et devient le premier constructeur allemand à passer à la production à grande échelle grâce à l’introduction de la construction à la chaîne.
En 1928, avec 37,5 % du marché, Opel est le premier constructeur d’Allemagne (8 000 employés, qui fabriquent 42 771 voitures).
En 1929, au cœur de la Grande Dépression, les frères Opel décident de céder 80 % de leurs actions à General Motors, qui avait déjà racheté le constructeur britannique Vauhhall en 1925. Un an plus tard, GM acquiert les 20 % restants. Après la dépression, les affaires commencent à reprendre. Opel est le premier constructeur allemand à lancer une compagnie d’assurance. La Banque Opel, filiale de GMAC, est créée pour permettre l’achat à crédit.
La deuxième guerre mondiale va encore bousculer le constructeur. L’usine Opel de Brandenbourg change ses activités pour produire des camions (Opel Blitz) pour la Wehrmacht, tandis que celle de Russelsheim travaille pour la Luftwaffe, en assemblant des avions tels le JU-88, cheval de bataille de la flotte de bombardiers allemande.
En 1944, les usines de Rüsselsheim et de Brandebourg sont détruites. Environ la moitié des lignes de production et des bureaux ont été réduits à l’état de ruines lors des attaques des bombardiers alliés. La production reprend en 1946.
C’est en février 2009 que General Motors, en grande difficulté financière, annonce son intention de se séparer progressivement d’Opel en vendant entre 50 et 75 % de son capital.
Cette saga de presque 160 ans dont 120 dans l’automobile se trouve symbolisée dans cette galerie de logo ci-après, qui commence par le O et le A des initiales du fondateur pour évoluer vers une forme de Zeppelin (à partir des années 30) puis d’éclair traversant un cercle (à partir des années 60). L’éclair stylisé caractérisait à l’origine le camion Opel Blitz (Blitz signifiant « éclair » en allemand). Le « camion volant » provient d’une mascotte de capot qui faisait office de bouchon de radiateur. Aujourd’hui, évolution du marché oblige, le symbole de l’éclair peut aussi faire référence aux voitures électriques.
Evolution de l’emblème Opel (Source Wikipedia)
Avec le logo toiletté en 2017 (en flat design, avec abandon de l’inscription Opel) apparaît une nouvelle signature. Exit le très germanique « Wir leben Autos » (nous vivons l’automobile), place à « The future is everyone’s » qui sera traduit en France par « L’avenir appartient à tous ». Cette phrase pompeuse, qui ne veut au fond strictement rien dire, est supposée faire passer le message que « les solutions de mobilité de demain ne sont possibles qu’en ayant recours constamment à l’innovation », et que lesdites innovations et nouvelles technologies ne doivent pas être réservées à une élite. Mais la marque, qui nous a donné l’habitude de courir plusieurs lièvres à la fois, n’abandonne pas pour autant la revendication de son origine allemande, seule aspérité à laquelle elle semble s’accrocher désespérément : ainsi, le slogan publicitaire pour la nouvelle Insignia sera « la technologie allemande pour tous ». Il suffit d’y croire… Et de toute façon, force est de reconnaître que le Dieselgate, le développement de l’électrique et de la voiture autonome fragilisent, de fait, la primauté actuelle des voitures allemandes.
La marque vit depuis trop longtemps sans stratégie claire, victime d’un actionnaire qui a accumulé les marques dans une constellation de labels sans cohérence ni vision industrielle, et qui finissent par disparaître (à l’instar de Saab,…). Positionnement flou, manque d’investissements, Opel n’a cessé de perdre du terrain en Europe en passant notamment à côté de la dynamique des SUV, en laissant sa compétitivité se détériorer et en se trouvant dans le ventre mou entre marques entrée de gammes et marques premium. Reste donc maintenant à PSA de prouver que l’avenir appartient aussi à Opel.