Cas d’école intéressant que Birkenstock qui aura attendu 300 ans avant de devenir une marque, et 30 ans pour passer de symbole de ringard à accessoire de mode. Explications.
Extrait du site internet de la marque
Devenue ces dernières années une icône de la mode connue pour ses sandales branchées, la marque s’est même imposée dans le monde du luxe. L’entreprise est entrée en 2021 dans le giron du leader mondial du luxe LVMH et les nu-pieds à bride et semelle de liège sont apparus aux pieds de Barbie, en version rose bonbon, dans la superproduction sur la poupée éponyme qui a tenu l’affiche tout l’été au cinéma. Consécration.
C’est dans ce contexte que le géant allemand des sandales Birkenstock fera même son entrée à la Bourse de New York, avec une valorisation de 8,6 milliards de dollars qui consacre son succès dans la mode et le luxe, loin de la ringardise des débuts.
Fondée en 1774 par Johann Adam Birkenstock, l’entreprise familiale est d’abord un simple artisan-cordonnier ; Elle ne commence son réel développement qu’un siècle plus tard, en 1896, quand Konrad Birkenstock, maitre-cordonnier lui aussi, se lance dans la fabrication d’assises plantaires flexibles et dessine la première chaussure avec une semelle intérieure contournant et soutenant le pied (une chaussure quasi orthopédique, vendue alors à des professions médicales).
Image extraite du site birkenstock.com
La vraie transformation de l’entreprise arrivera encore beaucoup plus tard, dans les années 1960, quand un autre descendant, Karl Birkenstock, commercialisera le modèle Madrid, la première sandale de conditionnement à assise plantaire profonde et souple. C’est peu de temps après, en 1966, qu’une entrepreneuse américaine, Margot Fraser, découvre les effets bénéfiques des produits allemands et développera la branche USA de Birkenstock.
Les sandales Madrid, toujours commercialisées aujourd’hui
La saga commence alors. Dans les années 1970, les sandales Birkenstock vont être prisées par de jeunes Américains bohèmes et dans les années 1990, l’introduction de nouveaux modèles et de coloris diversifiés va permettre le développement de la marque.
Birkenstock se développe d’ailleurs à cette époque sur 2 jambes : la cible des hippies puis plus globalement des contestataires de gauche ou écolos, aussi bien en Allemagne qu’aux Etats-Unis, et la cible professionnelle, dont le personnel médical des hôpitaux allemands.
Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la marque fera son incursion dans la mode. Le modèle Arizona sera vu aux pieds de Kate Moss et en 1997, Narciso Rodriguez et Paco Rabanne en chaussent leurs mannequins sur les podiums. Les « Birks » (comme on commence à les appeler affectueusement) ne cesseront de fouler les podiums de haute couture. En 2013, Phoebe Philo la réinterprète pour Céline, fourrée de fausse fourrure, et peu à peu l’entreprise change d’image passant de « ringarde » à une « marque à la mode ».
Les collaborations vont alors de multiplier. L’entreprise va aussi changer de management en 2013 avec l’embauche d’Olivier Reichert qui remet de l’ordre dans l’organisation qui juxtapose alors 38 filiales disparates, étend peu à peu la gamme de produits et recadre la distribution avec le développement de 55 points de vente en propre. C’est alors la véritable transformation d’une entreprise familiale à un acteur mondial de la mode. Lui-même s’étonnait du succès de la marque dans un article de Challenges en mars 2023 : « Dès que nous sortons un produit, il est en rupture de stock. Parvenir à vendre des sandales pour 120 euros a vraiment quelque chose de magique. ». Depuis, Birkenstock a même proposé des modèles griffés Dior pour la modique somme de 960 euros.
A partir 2021, Birkenstock est contrôlé par le fonds d’investissement L Catterton, auquel est associé le leader mondial du luxe LVMH et son patron Bernard Arnault. La marque souhaite clairement désormais développer son statut d’icône pour cibler le marché croissant du luxe dans le monde entier, et la puissance financière de LVMH lui donne désormais les moyens d’étendre son réseau de distributeurs sur la planète. Au-delà de l’Europe et des Etats-Unis où Birkenstock est bien installé, la Chine, l’Inde, le Mexique ou la Thaïlande sont des marchés prometteurs.
Mais désormais largement copiée, on retrouve la sandale à grosse semelle partout sans qu’elle ne soit toujours clairement identifiable, posant un nouveau défi pour Birkenstock.
Depuis 2017, la marque cherche à étendre son périmètre et s’essaie aussi à la cosmétique, avec le lancement de Birkenstock Natural.
La marque justifie cette incursion dans la cosmétique par le fait que la subérine, substance contenue dans le liège, affiche des propriétés élastiques ayant un effet liftant. Outre le liège, cette nouvelle griffe revendique des compositions naturelles (labellisées par Bdih Cosmos Natural) à base d’huile d’argan, de mousse, d’extrait de baobab, de moringa et de sureau. Mais la magie a parfois des limites : l’écart est grand entre sandales et crèmes de soin ! Birkenstock n’est pas encore près de concurrencer son compatriote allemande Nivea.