A une époque où les marques doivent être bienveillantes, il est aussi plus que jamais essentiel qu’elles affirment une personnalité forte et une ligne éditoriale claire et sans faille.
Dans ce qu’il est convenu d’appeler l’ère post-digitale, où les échanges quasi-informels deviennent le centre de la relation entre les marques et les consommateurs, où la bienveillance devient le maître-mot, il ne faut pas que cette adaptabilité et cette souplesse se fassent au détriment de la personnalité et de la revendication d’un système de valeurs.
On sait que le monde a changé et que les marques doivent s’adapter. Elles doivent être sensibles, pour mieux échanger avec leurs publics ; elles doivent être souples, pour s’adapter aux nouveaux modes d’expression ; elles doivent être sincères dans le sens qu’elles donnent à leur action ; elles doivent être sociales, en s’impliquant dans la vie des gens et du monde.
Si les marques ne se placent donc plus, comme c’était le cas dans les années de croissance, dans un rapport hégémonique avec leurs cibles (même si ce point là peut quand même être discutable eu égard aux comportements des nouveaux entrants comme Google, Apple, Facebook, Amazon, etc.), et qu’elles doivent plutôt faire preuve de bienveillance à l’égard de leurs différents publics, elles ne doivent pas pour autant perdre leur âme ou aplanir leur personnalité. Bien au contraire.
Une marque doit affirmer une personnalité forte. Le passage d’un rapport hégémonique à un rapport empathique n’empêche pas, loin de là, un lien charismatique. Le charisme n’induit pas la perte de force ; il est bel et bien une forme d’autorité, mais lié à de la confiance en soi, à une personnalité particulière, à un ascendant qui est naturel car vrai et véritablement incarné.
Dans ce nouveau contexte, les marques doivent vraiment, plus que jamais, faire l’effort d’une introspection pour clarifier leur territoire, et en particulier répondre à la question fondamentale du « pourquoi » (selon la théorie de Simon Sinek), ou de ce que j’appellerai plutôt « l’intention ».
Nombre de plateformes de marques intègrent les notions de vision/mission/valeurs. Mais trop souvent la vision se réduit soit à une simple ambition marketing ou commerciale (du type « être leader de… ») soit à un point de vue général et un peu philosophique sur le monde, qui pourrait au fond s’appliquer à nombre d’entreprises différentes.
Pour définir les choses de façon plus spécifique, il faudrait davantage raisonner en termes d’intention. Si la bienveillance est de l’ordre de la façon d’être, du comportement, l’intention est de l’ordre de la raison d’être, du sens.
Définir la vision d’une marque, c’est concrètement décrire son intention, autrement dit le pourquoi, la raison d’être de la marque. Elle doit exprimer ce que la marque est censée apporter à son marché, la raison pour laquelle la marque existe.
Par exemple, Mercedes est là pour incarner l’excellence automobile. C’est l’excellence qui est à l’origine de toute action, de toute innovation. Même si la signature « The best or nothing / Le meilleur sinon rien » peut apparaître sur la forme un peu prétentieuse à la première lecture, elle a le mérite de clairement exprimer l’intention de la marque, sa raison d’être sur le marché, et d’exprimer par là-même ce qui peut justifier auprès des cibles un sentiment d’appartenance (je me reconnais dans Mercedes car je recherche l’excellence) et nourrir l’envie d’expérience de la marque (dans ma relation avec Mercedes, je montre que j’ai un haut niveau d’exigence).
Une marque s’inscrit clairement dans la philosophie de l’action, qui renvoie donc à sa nature, à ses motivations, à son intentionnalité. Une marque forte est une marque qui affirme et décline au quotidien son intention, haut et clair. L’intention, c’est ce qui met la marque sous tension. Gare aux marques qui n’ont pas clairement identifié leur intention et définit un territoire d’expression et un statut de la relation correspondant.