Nutella reste l’une des rares marques-icônes dont le succès est pourtant inexplicable sur un plan strictement rationnel.
En 1941, Pietro Ferrero invente une crème à tartiner au chocolat et aux noisettes, succédané du chocolat, rare en cette période d’après-guerre. Sa composition à partir de graisses végétales en fait un produit économique.
Arrivé en France en 1961 sous le nom de Tartinoise, il est élaboré dans une usine de Haute-Normandie qui existe toujours aujourd’hui.
Renommée “Nutella“ dès 1964, la marque est, un demi-siècle plus tard, l’une des marques préférées des français.
Leader de son marché avec 85 % des ventes, Nutella est toujours en croissance et écrase les marques distributeurs (environ 10 % des pâtes à tartiner) et les produits de Banania, Ovomaltine ou Lotus qui font à peine 5 % au global. La France est d’ailleurs le premier pays consommateur avec 71000 tonnes vendues en 2011.
Comment un produit aussi gras, aussi sucré et enrichi en huile de palme peut-il se vendre encore autant alors que la mode est au “manger sain“ ? Tout simplement parce qu’il est bon : son goût fait la quasi-unanimité. Si Ferrero ne le considérait pourtant pas comme un point fort au début, c’est aujourd’hui indiscutablement le premier argument avancé par ses consommateurs.
Ce goût inimitable viendrait, selon la marque, de ses noisettes soigneusement sélectionnées et des matières premières préemptées sur une concurrence qui ne fait pas le poids face aux producteurs : l’industriel italien est le premier acheteur de noisettes de la planète.
Au-delà du goût, c’est aussi la forte densité émotionnelle acquise au fil du temps qui explique le succès durable de Nutella. La marque est devenue un symbole de la transmission parent / enfant. Ceux qui ont grandi avec Nutella dans les années 60 / 70 en donnent aujourd’hui à leurs enfants. Associée à des valeurs de gourmandise, de naturalité et de partage, la pâte à tartiner de Ferrero se présente comme un lien entre les générations, ce qui l’inscrit au rang de produit mythique.
Par ailleurs, de gros investissements en communication (41 millions d’euros investis en 2011 rien qu’en France), ciblés historiquement sur les enfants, en ont fait l’ingrédient essentiel d’un petit déjeuner équilibré.
Ce qui pouvait sembler assez osé compte tenu de la composition du produit va d’ailleurs enfin être modifié en 2013 : la marque a décidé de quitter un territoire de moins en moins crédible (l’énergie et l’équilibre alimentaire) pour s’orienter sur une promesse plus universelle de plaisir et d’émotion, à l’adresse aussi des adultes.
Preuve en est son dernier spot, lancé il y a deux mois en Australie, et qui évoque les rituels du matin.
En ne ciblant plus seulement les mères de famille à travers leurs enfants, et en quittant un discours controversé par les diététiciens, Nutella souhaite faire d’une pierre deux coups : faire taire ses détracteurs et donner un nouveau potentiel de croissance en élargissant sa cible.
Attention toutefois au syndrome de l’ami Ricoré. Mais quand on voit le nombre de fans sur les réseaux sociaux (la page Facebook officielle compte plus de 16 millions de fans alors que la politique communautaire est pour l’instant quasiment inexistante), on imagine que la marque a tout le potentiel pour préserver sa suprématie.