En moins de 30 ans, Playmobil est devenu l’un des plus importants fabricants de jouets au monde. Retour sur l’histoire de cette entreprise familiale allemande qui ne jure que par les enfants.
C’est en 1872 qu’Andreas Brandstätter fonde à Furth, en Bavière, une entreprise fabricant des serrures pour boîtes à bijoux. Renommée Geobra par son fils dans les années 30, la société s’oriente vers la fabrication d’articles et de jouets en métal pour les enfants. Visionnaire, le petit-fils du fondateur, Horts Brandstätter, intègre le plastique au début des années 50 grâce à une technique de soufflage jusqu’alors seulement utilisée dans la production des bouteilles. Geobra rencontre dès lors ses premiers succès commerciaux avec des voitures de courses, tracteurs et bateaux à pédale destinés aux enfants. C’est aussi l’époque où Playmobil lance avec succès en Europe les hula-hoop, fameux cerceaux en plastique qui ont fait trimousser toute une génération de jeunes.
En 1973, la crise pétrolière frappe de plein fouet la société qui se retrouve au bord du dépôt de bilan. C’est à ce moment qu’Hans Beck, directeur du bureau d’étude, a l’idée de créer un petit personnage animé et mobile, initialement appelé Klicky (avant d’être renommé pour l’exportation), d’une taille étudiée de 7,5 cm pour qu’il tienne dans la main d’un enfant.
Dessiné très simplement pour s’approcher des codes de l’enfance, il présente un visage rond, des yeux et une bouche expressifs mais pas de nez ni d’oreille. Fabriqué en ABS, un polymère très résistant, il est très peu consommateur en plastique. Après l’avoir fait breveter, Horts Brandstätter présente son nouveau produit au Salon International du Jouet de Nuremberg en février 1974. Ses trois petits bonhommes (un indien, un chevalier et un ouvrier) sont très mal accueillis par la profession, jugés moches et sans intérêt (sic). Seul un grossiste néerlandais se prend d’affection pour les petits personnages. Bien lui en a pris puisque les Playmobil séduisent rapidement les enfants. À l’automne 1974, de nombreux magasins de jouets passent commande et finalement, la gamme Playmobil ne cessera plus de s’agrandir, avec l’arrivée de personnages féminins en 1976 puis d’enfants en 1981.
Près de 30 ans plus tard, Playmobil a vendu 2,3 milliards de ses personnages et est devenu le numéro deux européen sur son marché, juste derrière le danois Lego. L’entreprise allemande vend ses produits dans 69 pays et prévoit de se lancer en Amérique du sud, en Australie et au Mexique. Elle propose aujourd’hui une vingtaine d’univers différents, allant des hommes préhistoriques aux vaisseaux spatiaux, en passant par les princesses, les pirates et les cow-boys. Playmobil encourage la créativité et l’imagination en offrant aux enfants les bases d’une histoire et en leur laissant la possibilité d’en choisir la fin. Tout d’abord tournée vers les petits garçons de 3 à 8 ans, la société s’est lancée ces dernières années sur le créneau des fillettes avec sa gamme rose.
Ce virage stratégique vers la cible des petites filles s’est montré payant puisqu’elle représente aujourd’hui 30% des ventes de la société. Playmobil se positionne également sur le segment des tout petits avec les “Playmobil 1,2,3“. Ces petits personnages, proches des “Duplo“ de Lego, ne contiennent aucune pièce susceptible d’être avalée et présentent des formes plus arrondies que les autres figurines.
Afin de continuer à susciter l’intérêt des consommateurs, la marque change chaque année un quart de sa gamme. Ces modifications, que ce soit l’apparition d’un tout nouveau bateau pirate ou simplement l’ajout d’un treuil sur un hélicoptère pré-existant, ont pour objectif de donner une constante impression de nouveauté et de créer l’impulsion d’achat.
Pour développer ces nouveaux modèles, Playmobil s’inspire en grande partie des demandes que peuvent faire les enfants. Il paraît que les 150 dessins et lettres reçues chaque mois par la société ont inspiré certains thèmes comme l’Égypte et le Football. Le développement de chacun d’entre eux prend à peu près trois ans aux soixante designers avant que leur production ne soit lancée dans l’une des deux usines du groupe, en Allemagne ou à Malte.
En continuant de produire ses jouets en Europe, Playmobil souhaite avant tout protéger son savoir-faire et les 90 brevets déposés. Que ce soit le système de neuf pièces emboitées qui rendent ses personnages quasiment incassables ou la pieuvre qui change de couleur selon la température de l’eau, chacune des innovations de la marque est jalousement gardée afin d’éviter la copie. La dernière saisie de jouets Playmobil contrefaits en France remonte maintenant à 2005.
Pour faciliter le choix des enfants et pour s’assurer une bonne visibilité en magasin, Playmobil demande à ses distributeurs de classer ses produits par univers. Pour cela, chacun des produits est marqué d’une couleur définie : vert pour la ferme, rouge pour les policiers et les pompiers, violets pour les pirates et les chevaliers ou encore rose pour les princesses. Dans le même temps, la société allemande fait livrer à ses plus gros points de vente, deux fois par an, des vitrines déjà préparées reproduisant les photos du catalogue. Un catalogue de 55 pages qui est l’outil commercial principal de la marque et qui est tiré chaque année à plus de quinze millions d’exemplaires, dans seize langues différentes. La mise en scène est toujours la même : chaque thème est présenté sur une double page avec un bâtiment central, des véhicules et des personnages de manière à ce que les différentes boites du thème s’accordent dans l’esprit du consommateur.
Si la marque diffuse des films publicitaires en période de Noël (55% de ses ventes sont réalisées d’octobre à décembre), elle achète très peu d’espace le reste de l’année. Ce qui ne l’empêche pas d’être présente dans les médias, notamment grâce à une grande communauté de fans de tous âges, qui aiment mettre en scène leurs personnages préférés dans de véritables courts-métrages.
Afin d’entretenir la forte relation avec ses fans, Playmobil s’investit de plus en plus sur internet et les réseaux sociaux. Que ce soit sur ses comptes Facebook ou Twitter, la société est suivie par des personnes du monde entier. Elle a même créé en novembre le Playmobil Collectors Club, un site ouvert à tous permettant de se retrouver entre fans, de s’échanger des informations, de publier des créations et, bien sûr, d’acheter des produits collectors.
Le recrutement et la fidélisation de fans passent également par l’événementiel. Depuis plusieurs années, des aires de jeu de 150 m2 remplies de jouets appelées les “villages Playmobil“ s’installent durant trois semaines dans des centres commerciaux. Gérés par des hôtesses, ces villages permettent aux enfants de s’amuser gratuitement pendant que leurs parents font les courses.
Mais le premier support de création d’expérience reste ses cinq FunParks, des salles de jeux géantes pleines de Playmobil. Situés à Paris, Malte, Athènes, Palm Beach et Zirndorf, ces parcs d’attraction décorés aux couleurs de la marque proposent des aires de jeu, un espace de restauration et bien évidemment des boutiques dans lesquelles toutes les gammes de Playmobil sont vendues.
Fin 2012, Playmobil a annoncé avoir donné son autorisation pour le lancement d’une série d’animations autour de ses personnages. Intitulée “Heroes United“, elle devrait être diffusée sur France Télévisions dès l’automne 2013. Si la société ne participe pas financièrement au projet, elle espère qu’une présence à la télévision lui permettra d’enrichir ses liens avec les enfants et d’augmenter ses ventes. Bien joué !